Siobhan Isobel Fairbank PLAF.
« Plaf » c’est le son d’une tartine qui s’étale sur sa face beurrée directement à même le parquet. Exactement comme ce matin là dans la maison Fairbank. Devant l’air horrifié de sa merdeuse de cinq ans Moriana ne put réprimer un sourire. Une mimique gracieuse, presque effacée, comme si elle n’avait jamais pu oublier les leçons de ses Selwyns de parents. Ne pas rire. Ne pas pleurer, jamais. C’était même probablement le cas. Dans ses yeux bleus transpirait parfois la douleur des enfances malheureuses. Une souffrance qui n’échappait à personne.
Les longs doigts vinrent caresser les cheveux blonds, des cheveux de fillette, fins comme de la soie. Elle déposa un baiser sur le front pâle et agita son index au dessus du pain grillé. Sous les yeux ébahis des deux bambins la tartine se releva doucement et vint se loger entre les doigts poisseux qui l’avaient échappé. Le pain était finement doré, craquant à l’extérieur et moelleux au centre là où le beurre reposait. Elle semblait n’être jamais tombée.
- Encore ! Maman refait le !! La sorcière sourit et hocha la tête avec lenteur. A ce moment là il émanait d’elle une grande sagesse. Jamais Moriana n’avait besoin de crier pour se faire entendre. Et chacun de ses mots était sélectionné avec un soin particulier de sorte que personne ne pu mal interpréter ses paroles. Le contraste avec son mari, l’exubérant Sullivan, était saisissant. A table l’un usait de grands gestes en s’égosillant là ou l’autre parlait à voix basse. Pourtant leur complémentarité était plus qu’évidente, Sullivan avait été un pilier pour sa femme et inversement.
Encore aujourd’hui Siobhan se rappelait parfaitement de ce jour où sa mère avait sauvé son petit déjeuné. C’était un de ces souvenirs qui savait lui tirer quelques larmes.
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Juin 1995. Les couloirs de Poudlards étaient encore ensommeillés après une longue nuit de sommeil. Les cris des élèves de premières années résonnaient désagréablement sur la pierre râpeuse. Le vacarme semblait affecter tout particulièrement les tableaux. Tant et si bien que la grosse dame, parée de sa plus belle couronne de fruits, se laissa aller à chantonner ajoutant à la cacophonie ambiante. Le Chevalier du Catogan se boucha les oreilles, grommelant des insanités que des enfants de onze feraient bien d’ignorer. Lorsqu’enfin les cris s’atténuèrent. Que la castafiore se tût. Un grondement monstrueux se fit entendre. Qu’est-ce qu’encore que cela s’indignèrent les tableaux dont les natures mortes roulaient sur les tables pour se perdre dans les recoins sombres. Même les escaliers, pourtant robustes, grincèrent discrètement.
Monstre ?
Troll en vadrouille ?
Hagrid peut-être ? Il avait pris un peu de poids récemment…
Rien de tout cela. En se penchant, du moins autant que faire se peut lorsqu’un idiot de magicien vous à peint en deux dimensions, les tableaux virent émerger une masse humaine des étages inférieurs. Vingt adolescents tout au plus, criant et gesticulant. Les feux d’artifices et les
stupefix volaient au travers des paliers. Le chevalier s’indigna et cria au pugilat quand un éclair vint rayer son cadre déjà mal en point. On en entendrait parler encore pendant des décennies. Même les fantômes s’écartèrent devant la horde de Gryffondors déchaînés par la fin d’année.
Une petite blonde hystérique cavalait au premier rang. Ses robes noires en pagaille juraient avec ses lunettes toutes droites, parfaitement d’équerre sur son visage. Un grand sourire mangeait sa figure ronde et rosie par la joie. Baguette brandie à l’image de ses camarades elle se rua sur la grosse dame, criant le mot de passe. Sa voix était encore emprunte d’un nasillement enfantin et son air canaille laissait présager le pire.
Cette petite fille s’appelait Siobhan.
Siobhan Isobel Fairbank.
Elle avait douze ans.
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Septembre 2000. Après des temps particulièrement sombres chacun espérait une période de paix et de prospérité, autant pour les Sorciers que pour les étudiants de Poudlard. Sans Dumbledore. Sans Potter. Leur sourire bienveillant veillait sur les cadets Gryffondor dans la salle commune et les élèves avaient toujours un regard pour eux. Le survivant, le sauveur. Lorsqu’il accomplit son ultime dessein, Siobhan n’était qu’une enfant. Alors en deuxième année elle se rappelait parfaitement des cheveux bruns et désordonnés de Potter dans les couloirs, la crinière de Granger et la tignasse de Weasley.
La nuit il lui arrivait parfois de trembler, de se réveiller en sueur, comme la plupart des élèves qui comme elle avaient vu et subi la guerre. D’abord à l’extérieur puis dans l’école. Lorsque les Mangemorts s’octroyèrent le droit de séjourner au Château Siobhan était encore trop jeune pour espérer faire quoi que ce soit d’utile. Sur les conseils de son père elle fit profil bas, ce fut une troisième année difficile, la peur au ventre et la bile aux lèvres quand les partisans des Ténèbres torturaient les élèves. De son côté son frère ainé participa activement à la résistance et récolta quelques cicatrices. C’est une époque qu’elle aurait préféré oublié et dont les souvenirs petit à petit s’estompent.
Chacun avait senti poindre l’éminence d’un combat entre vous-savez-qui et le garçon qui a survécu, survécu et encore survécu. Potter aussi le savait. Tous les élèves, du moins tous ceux en état, étaient derrière lui ce jour-là. Ses amis, ses proches mais aussi les autres. Ceux qui s’aimaient moins voire pas du tout, ceux qui se faisaient des saloperies dans les couloirs. Ils étaient tous là, là pour soutenir Potter. Jusqu’à la fin.
La toute fin…
Tout cela était une époque révolue. Une époque de joie et de souffrance, celle où les trois inséparables avaient combattu main dans la main pour la Victoire. Une nouvelle ère s’annonçait, de nouveaux pôles émergeaient entre le ministère, les Puritatem Idealis et les autres. Mais c’était également le commencement d’une nouvelle année pour les élèves de Poudlard. Qui sait ce qu’elle réservait à Siobhan pour ce cinquième cycle.
Dans le fond les choses n’avaient pas vraiment changé. Le Poudlard Express récupérait les élèves au quai 9 ¾ , le discours de début d’année était sensiblement le même si ce n’est qu’il était prononcé par le Professeur Mc. Gonagall. Le Choixpeau jouait toujours au plus malin avec les indécis et le repas… fut comme d’habitude succulent et Siobhan se coucha pleine comme une barrique. Comme à son habitude.