Nora Viridian vouait depuis leur première rencontre, une haine vrombissante à l'égard de Vivian, l'épouse de son beau-frère Hugh Viridian. Elle était à ses yeux comme ces chenilles dévorant ses plantes adorées, une nuisible entachant son tableau de famille parfait.
Son esprit, façonné par l'éducation d'un autre temps, avait éclaté en un blanc parfait lorsque les origines de la première belle-fille de la famille lui était parvenues. Nora Fawley, digne représentante de son sang, affiliée à une née-moldu ? Quel déshonneur.
De cette découverte, la jeune femme aurait pu développer un simple déni, ce fut toutefois bien pire. Telle une sombre compétition, tout et rien devenaient bon prétexte pour prouver la supériorité des siens aux yeux de Nora. Ainsi, poussant le vice toujours plus loin, elle voulut un enfant dès l'annonce de la venue de Shae Viridan. Le vingt-deuxième jour de mars mille neuf cent quatre-vingt trois, un sourire suffisant ourlait ses lèvres tandis qu'elle effleurait le front violacé de Ruth. Sa joie pourtant, déchanta très vite pour laisser place à l'incompréhension la plus totale car tu n'étais pas exactement comme ta mère se l'imaginait.

Bien sûr, parents et grands-parents t'ont élevé selon les préceptes dûs à leur rang et si tu le souhaitais, tu serais parfaitement capable de remplir leurs exigences à la lettre mais voilà, tu es restée imperméable à leurs enseignements. On pourrait même dire imperméable au monde lorsque l'on croise ton regard vague. Tu ne serais dire si cela vient de ton père - tellement papa poule lorsque sa femme tournait le dos -, où de la fascination immédiate qui t'a attrapé au contact de la famille de ton oncle Hugh, mais c'est ainsi que ton corps a grandi alors que ton cœur d'enfant restait intacte.
Tel un caneton, tu suivais Shae partout silencieusement, les yeux avides d'un savoir que seule ta cousine semblait détenir, elle qui était à peine plus âgé que toi. C'était à force de toujours la réclamer que tu étais rentrée en contacte avec le monde moldus, jetant ainsi sans le savoir les nerfs de ta génitrice au feu. Celle-ci, mortifiée par une BD subtilement cachée sous ton lit, avait véritablement hurlé sur toi pour la première fois, réduisant à néant le cadeau de ta tante Vivian d'un coup de baguette. L'enfant que tu étais à l'époque n'avait trouvé nul autre réponse que le cri.
L'événement fut cependant rapidement oublié, car inconsciemment tu avais utilisé la magie pour la première fois - comment pouvais-tu savoir à l'époque que, non, un simple hurlement ne repousse pas les meubles ? - et tu confirmais par la même occasion ton entrée future à Poudlard.

Lorsque tu approchas des onze ans, c'est ta mère - et non pas ton père à ton plus grand étonnement - qui prit l'initiative de t'acheter un compagnon pour fêter ton statut d'apprentie sorcière. Ainsi, tu allais passer les prochaines années avec une chauve-souris hyperactive nommée Batman, en hommage à un vieux souvenir d'enfance. Tu étais persuadée que l'aventure viendrait t'attraper à bras le corps et tu aurais mieux fait de n'en rien penser. Lorsque Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom commença doucement à obscurcir le quotidien de chacun, petit à petit la peur s'entremêla à tes entrailles. Tu ne voulais pas que Vivian et Shae te soient arrachées, et pire que tout, la bile te gagnait en imaginant ta mère triomphante à ce sujet. Et la guerre qui éclata finalement n’arrangea rien car, quand bien même les morts furent honorés et pleurés, ta famille sauvée, ton insouciance était désormais poisseuse de sang.

A présent, tu as laissé la vie t'emporter sans résistance comme autre fois, tes souvenirs noirs appuyant ta philosophie lorsqu'ils ne te terrorisent pas la nuit. Ton nez a retrouvé avec joie les plafonds de Poudlard, t'écartant encore de la question de ton avenir, au grand dam de tes professeurs.