L’humeur était globalement maussade sur la Grande Bretagne Magique depuis quelque mois. Cela se ressentait tout particulièrement sur le Chemin de Traverse depuis l’attaque qui avait secoué le ministère puis la rue jusqu’au Chaudron Baveur. Les sorciers n’y passaient plus que d’un pas rapide, dans un objectif précis, ne s’attardant jamais plus que nécessaire. Les boutiques d’ordinaire bariolées semblaient ternes, seule la boutique de farce et attrapes Weasley égaillait encore les lieux. Puis l’automne avait fait tomber un voile gris supplémentaire sur la ville de Londres et l'obscurité s’était insinuée avec le froid, insidieuse, lourde.

Puis la neige était arrivée, quelques temps avant le solstice annonçant le début de l’hiver, les premiers flocons cristallins avaient percés l'épaisse couche de nuage pour venir se déposer sur les toits, les devantures, les trottoirs. Le vent s’intensifia, amenant la première grosse vague de neige de la saison, dans la nuit précédent le 20 décembre, ceux qui voulurent regarder à la fenêtre n’eurent qu’un rideau de neige.

Le matin, ce fut une lumière éclatante qui réveilla les habitants de Londres, sorcier ou non : le ciel s’était dégagé à l’approche de la pleine lune et le soleil brillait ce matin d’un éclat sans obstacle dans l’étendue bleu pâle du ciel, reflété par le sol recouvert d’une épaisse couche de neige blanche et brillante. C’était l’aube en ce mercredi, le premier des vacances d’hiver, et déjà sortaient les premiers enfants courant jouer dans la neige.

Ouvrant sa boutique de Quidditch, le propriétaire se battait à coup de sort chauffant pour dégripper le volet, quand une boule de neige lui frappa l’occiput et envoya une gerbe de neige dans son col. Le commerçant poussa un cri de surprise et se retourna en croyant faire face à un enfant turbulent. Au lieu de cela, il tomba face à son voisin de la boutique de potion, un vieil homme qui faisait tournoyer trois boules de neige au dessus de sa baguette avec un sourire emplit de malice et de défi.

Les hostilités étaient lancées, bientôt, les boules de neiges fusèrent d’un bout à l’autre du Chemin de Traverse, prenant les passant à parti pour devenir une bataille généralisée.

La neige. La neige était tombée pendant la nuit. Insomniaque, Alice l’avait regardé tomber par la fenêtre. C’était un spectacle magique et apaisant. Pendant un temps, elle avait oublié les craintes qui pesaient sur le monde de la magique, se rappelant des noëls passés et plus joyeux. Puis, elle avait écrit une lettre, puis deux, puis trois. Il était temps d’envoyer ses vœux à ses proches. Sa chouette Sappho aurait bien du travail. Elle s’était arrêtée plusieurs fois. Coupée dans son inspiration. N’était-il pas futile de continuer des gestes aussi simples, des traditions qui semblaient illusoires à présent ? Pouvait-on véritablement adresser ses vœux à quelqu’un après tout ce qui s’était passé ? Ou, peut-être, au contraire, fallait-il continuer à vivre ? Le matin était finalement arrivé. La lumière du soleil venant percer progressivement l’obscurité.

C’est dans un Londres à présent recouvert d’une épaisse couche de neige qu’Alice marchait d’un pas décidé quoique prudent. Les vacances de noël commençaient juste et, bien qu’étrangère à cette période de congé, Alice bénéficiait d’une matinée libre dont elle espérait bien profiter pour faire ses achats de noël. En vain peut-être aux vues de sa situation familiale et surtout du contexte actuel. En dépit pourtant de toute la morosité qui régnait sur monde de la magique ces derniers temps, la neige qui était arrivée avec la nuit semblait apporter un peu de douceur, rappelant des noëls plus joyeux bien que passés. Et puis, Alice avait des proches auxquels il faudrait bien qu’elle pense en cette période de fêtes, ne serait-ce que pour leur envoyer un petit présent.

Au-dessus de ce paysage enneigé et hivernal, le soleil brillait d’un éclat nouveau et intense, conférant au Chemin de Traverse une allure plus chaleureuse contrastant avec les devantures monotones des boutiques. Le sol, rendu glissant par l’épaisse couche de neige qui le recouvrait, obligeait la sorcière à avancer prudemment. Une chance qu’elle ne soit pas pressée. Elle savait où elle voulait aller et prêtait à peine attention aux boutiques autour d’elle. Ce n’était pas drôle de faire ses courses de noël seule. Il manquait l’effervescence habituelle pour rendre cela distrayant. Penchée, comme portant un énorme fardeau, elle continuait à avancer, son regard seul posé sur le sol devant elle. Un pas. Un autre. Elle se satisfaisait à chaque fois de ne pas avoir encore glissé, remerciant l’efficacité du sort antiglisse dont elle avait préalablement muni ses chaussures. Elle préférait pourtant rester sur ses gardes.

Inconsciente de la bataille de boules de neige qui s’était entamée une rue plus loin, son attention fut d’abord attirée par un cri. Elle s’arrêta et tendit l’oreille, tous les sens en alerte et le cœur se mettant à battre brutalement dans sa poitrine. Un nouvel attentat avait-il à nouveau lieu sur le chemin de traverse et ce à peine quelques mètres plus loin ? A l’instant où elle remarquait finalement que les cris, loin de refléter la terreur, ressemblaient en fait à des rires, elle sentit quelque chose de froid lui atterrir contre la nuque. Une boule de neige venait de se glisser pile entre ses cheveux et son écharpe, lui arrachant un frissonnement glacé. Un rire enfantin résonna dans son dos. Ainsi... Un enfant avait voulu lui faire une farce ?

Ce simple geste avait suffi à la ramener complètement à l’instant présent, lui faisant oublier tout le reste, et à lui arracher un sourire. Se remémorant les sorts en usage lors des batailles de boules de neige endiablées auxquelles elle avait participé dans le parc de Poudlard quand elle était élève, elle sortit promptement sa baguette et se détourna en envoyant une boule de neige grossissant au fur à mesure de son avancée vers son agresseur. Comme quoi, il lui restait encore une peu d'innocence, même si cela virait à la puérilité. Avec effroi, elle vit toutefois son missile glacé se diriger, non pas sur l’enfant qui partait à présent en courant, mais sur quelqu’un d’autre. Une personne qui finit par recevoir la boule de neige envoyée par Alice.

Dans sa surprise, elle avait agi avec enthousiasme et sans réfléchir. C'est pourquoi elle avait lancé son sort avant même de se retourner et de regarder derrière elle. Une erreur visiblement... Et, comme si cela n'était pas suffisant, la boule de neige qu'elle avait lancé provoqua une sorte de réaction en chaîne puisqu'un tas de neige tomba d'un toit pour venir atterrir sur la tête de la dite-personne. Partagée entre l’amusement et la culpabilité, Alice plaça une main gantée devant sa bouche. Gênée...

Les vacances commençaient et j'étais pourtant dégoutée-dépitée… Mon tonton avait choppé la dragoncelle, par conséquent mes cousins étaient restés à Dumstrang pour les vacances, aussi nous n'allions pas vers le Nord cette hiver. Passer le solstice d'hiver dans la grisaille anglaise, voilà qui n'était pas pour me réjouir d'autant que, depuis l'automne, nous n'avions pas eu un malheureux flocon à l'horizon. Pour la saison, je dépérissais de chaud, parce que oui, au-dessus du zéro je trouvais qu'il faisait chaud.

Alors je boudais. J'avais bien trouvé un petit sort de neige qui aurait fait ma joie en repeignant de blanc le jardin, cependant le ministère n'aurait pas apprécié, étant encore mineure pour quelque mois, et mes voisins se seraient sans doute interrogés de voir de la neige dans le jardin Branwen là où eux ne recevaient que de la pluie. Les moldus ça se perturbe pour à rien, mais j'aurais eu double problèmes auprès des autorités. Cependant, ça aurait sans doute amusé les enfants des voisins qui, moins au faites de la météorologie et autre aberrations physique, s'en seraient réjouis sans se poser plus de questions.

Fort heureusement, je n'eus pas le temps de réellement considérer ce projet, le ciel dû entendre mon désespoir, probablement Skaði d'ailleurs, et envoya sur la région  un magnifique rideau nacré. En ce matin frais, je me réveillais avec une délicieuse intuition, alimentée par le bruit étrangement étouffé des voitures dans la rue. Courant à la fenêtre, craignant de m'être trompée, j'écartais les rideaux et poussais un cri de félicité. Ma mère alarmée sortit dans le couloir alors que j'y déboulais comme une furie pour annoncer d'un ton sans réplique "On va faire un tour sur le Chemin de Traverse !". Fini de mon ermitage de quelque jour, quand la neige se pointait, j'avais la bougeotte, je voulais être dehors. Ma pauvre maman ensommeillée retourna sous la couette pendant que je m'habillais en quatrième vitesse avant de m'engouffrer dans la cheminée, direction le Chaudron Baveur.

Ce fut une furie qui passa le mur de brique, à peine il fut assez large pour me laisser passer que je me jetais dans la première congère venue, les pieds joints et une expression un peu folle sur le visage.

"Ô douce neige, comme tu m'avais manqué !" Déclamais-je avec emphase, en saisissants une pleine poignée que je jetais haut au-dessus de moi, tournoyant comme une princesse Disney avant de me casser la figure, sur le dos, appréciant à sa juste valeur la morsure du froid que j'avais tant espéré. J'aurais bien le temps de le regretter plus tard, en attendant, je vis voler les premiers projectiles. Une femme non loin de moi venait de répliquer à un projectile adroitement envoyé, sauf que ce ne fut pas la bonne cible en retour jusqu'à provoquer une avalanche sur l'infortuné qui n'avait rien demandé à personne. J'éclatais de rire alors que l'auteure du méfait semblait contrite, ce fut pourtant mon hilarité qui éveilla chez la victime un regard exprimant parfaitement "Ah oui, c'est comme ça ?" et prépara une riposte. "A couvert !" Hurlais-je à la jeune femme tout en faisant apparaitre un rempart de neige devant elle et me jetant derrière, comme dans les vieux films de guerre. Les projectiles s'écrasèrent sur notre barrière alors que dans mes mains déjà glacés je façonnais une boule artisanale que je lançais de toute ma force de batteuse. Elle n'atteignit pas ma cible mais attira son attention, ce qui était ma volonté, car je profitais de cette petite ouverture pour lancer un tunicam frigus bien placé, sans me vanter. La personne se vit progressivement couverte de neige jusqu'à entraver ses mouvements, alors que dans un "pop" une carotte vint se fixer sur son nez. J'éclatais de mon plus beau rire maléfique avant de prendre la fuite, me cherchant une nouvelle infortunée victime.