Un petit piaillement répétitif me tira de mon sommeil quelques minutes avant huit heures. M’étirant comme un gros chat dérangé pendant sa sieste, je cherchais la source de ce bruit perçant et malvenu. J’avais, pour une fois, décidé de m’accorder une grasse matinée et de ne pas me rendre sur le terrain de Quidditch avant l’après-midi. Le week-end, les équipes des quatre maisons s’entraînaient avec acharnement, se succédant les unes après les autres. Du moins en règle générale, quand un directeur de maison ou un capitaine n’avait pas décidé de truster la pelouse et les airs pour la journée entière. J’avais pris l’habitude de venir les observer, laissant de côté pour la journée mon propre entrainement.
Mais alors qu’en ce samedi matin brumeux et glacé j’avais décidé de ne pas me lever à l’aube, quelqu’un en avait décidé autrement.

Je m’étais redressée sur mes coudes, les yeux encore un peu collés de sommeil, lorsque je compris enfin. Un petit moineau était prit au piège dans ma chambre et cherchait à s’en échapper. Il se tapait frénétiquement contre le carreau de ma fenêtre, poussant des petits cris d’oisillon blessé. Il était purement et simplement impossible qu’il soit entré par la fenêtre puisqu’elle était close depuis de longues semaines à cause du froid, et les probabilités qu’il ait traversé tout le château pour venir s’égarer dans ma chambre étaient hautement improbables.
La réponse à mon incompréhension se tenait néanmoins au pied de ma fenêtre : Velvet, mon fidèle et bien aimé fléreur. Malgré toute la tendresse que j’éprouvais envers lui je ne pouvais ignorer ni son sadisme de félin, ni sa tendance à trouver les idées les plus imaginatives pour me tirer du lit. Il aurait ma peau un jour…

« Velvet coursavantquejetemange… » ronchonnais-je en me frottant les yeux.

Résignée à me lever et chassant tout espoir de me rendormir plus tard, j’avais glissé mes pieds dans de chaudes chaussettes et je me dirigeais à présent vers la fenêtre pour libérer le pauvre volatile affolé. Le vent glacial et revigorant qui s’engouffra dans ma chambre lorsque j’ouvris la fenêtre termina de me réveiller et c’est avec un peu plus d’entrain que je pris la direction de la douche. Velvet et ses grandes oreilles qui me suivait partout, se coucha sur le tapis de la salle d’eau et attendit patiemment d’avoir le droit à son petit-déjeuner.
Après de longues minutes sous l’eau brulante et parmi les bulles parfumées, je sortis enfin, rouge comme une écrevisse. Je pris le temps de m’habiller, revêtant une de mes robes de sorcière d’inspiration médiévale. Les vêtements de moldus étaient particulièrement mal vus à Poudlard alors, malgré le goût prononcé que j’avais pour eux, je m’abstenais. De plus, j’avais décidé pour une fois d’être une fille et cette robe bleue ferait l’affaire. Je mis mes bottes en cuir de dragon et jeta ma cape sur mes épaules. Elle était de couleur pourpre et une peau de lapin recouvrait mes épaules, chaude et parfaite pour l’hiver.

Neuf heures sonnaient lorsqu’ainsi apprêtée, je sortis enfin de mes appartements, Velvet trottinant sur mes talons, et pris la direction de la Grande Salle. Je salivais déjà à la pensée de ce thé parfumé qui m’attendait certainement, aux gargantuesques toasts recouverts de marmelade… Un petit-déjeuner à Poudlard, ça c’est de la nourriture !
Mais quelle fut ma surprise quand, en passant les portes de l’immense pièce bondée, ce fut des tables vides de toute victuaille qui m’accueillirent. Les élèves s’agitaient et une clameur inquiétante emplissait ce lieu habituellement chaleureux.
« Les Elfes de Maison ont disparus ! »
Un regard vers la table des professeurs déserte et je compris qu’ils s’étaient déjà attelés à la résolution de ce fâcheux problème. Ni une, ni deux, je repris la direction des couloirs et m’élançais à travers ce dédale de pierres en quête de réponses.

Un peu plus d’une heure plus tard, j’étais de retour dans la Grande Salle aux côtés de mes collègues et de quelques élèves s’étant portés volontaires pour les recherches. Aedan Bridewell avait prit les choses en main et formait à présent des petits groupes, distribuant les rôles de chacun. C’est ainsi que je pris finalement la direction des serres de Botanique aux côtés d’une élève de Serpentard, Miss Branwen, et d’une Auror fraîchement débarquée du Ministère.
Heureuse de pouvoir sortir du château dans lequel régnait, en ce matin un peu spécial, une agitation proche de l’insupportable je m’élançais dans la neige le sourire aux lèvres. Velvet marchait quelques mètres devant nous, la truffe au vent. Cette situation était pour le moins imprévisible et il n’était pas dans les habitudes des elfes de faire ce genre de coups… L’enquête risquait d’être palpitante ! Je devais me retenir de sautiller devant une élève et une jeune femme sérieuse mais ce n’était pourtant pas l’envie qui manquait. Un peu de tenue Mavis.

Une fois arrivées devant les serres, Miss Branwen formula la question que nous étions toutes en train de nous poser. Cela faisait un certain temps que je n’avais pas mis les pieds dans cet endroit que j’appréciais pourtant.

« Eh bien je dois avouer que je n’ai aucune idée de sa vie et de son œuvre, mais si mes souvenirs sont bons le cadre devrait se trouver dans la serre 4. Ne me regardez pas comme ça Miss Branwen, quelque chose ne va pas ? »

Sans vraiment attendre sa réponse, j’ouvris la porte de la serre en question et fis signe à mes comparses d’entrer.

Lorsque nous fûmes entrées dans l'enceinte de la serre, une chaleur humide presque tropicale nous prit la gorge. Velvet gambadait toujours joyeusement devant nous, se glissant sous les tables chargées de végétaux et sautant agilement par dessus les racines. Je prenais quant à moi toutes les précautions possibles pour ne rien toucher ou même effleurer. On sous estime souvent le pouvoir et la rapidité d'une plante, mais croyez moi, les plantes magiques du monde des sorciers ne sont pas toutes d’inoffensif bonzaïs.
Alors que j'étais parvenue sans encombres à quelques mètres de la porte du petit bureau où devait se trouver le tableau que nous étions venues quérir, un cri strident me fit bondir de surprise. Dégainant ma baguette et me retournant dans un mouvement fluide, j'étais prête à attaquer. Je ne fus pas surprise de constater qu'une des plantes avait profité de notre passage pour se dégourdir les tentacules. Cela ne semble pas évident pour tout le monde mais croyez moi, les végétaux sont pires que les gosses. Ils sont incapables de distinguer un jouet d'un truc vivant pas tout à fait d'accord pour être agité en tous sens dans les airs. Je sais de quoi je parle, j'ai eu un grand frère.
Toujours est-il que Miss Branwen était suspendue à trois bons mètres au dessus du sol durcit par l'hiver, la tête en bas et la colère sur le visage. Velvet, toujours serviable, avait doublé de volume en hérissant son poil et crachait en direction des feuilles carnassières. Une de ses petites pattes velues fendait l'air dans une vaine tentative d'intimidation. Je dû me retenir de glousser devant cette scène pour le moins cocasse, il ne m'est pas toujours donné d'assister aux cours de botanique et je suis certaine de manquer des événements inoubliables !
Cependant, mon intervention ne fut pas nécessaire puisque la jeune Serpentard eut une réaction des plus efficaces. Quelque chose me laisse penser que Pedro n'aurait pas accueilli cette méthode avec grand enthousiasme, mais je n'aurais pas fait mieux et je suis la plus mal placée pour réprimander Maeja. C'est pourquoi, lorsqu'elle toucha enfin terre je ne pus que me contenter de lui lancer un regard approbateur et un petit sourire malicieux. Malgré la soudaine apparition de ses sous-vêtements elle était restée très digne, acte qui suscitait mon admiration.

« Voila pourquoi je n'aime pas cette serre » ronchonna-t-elle en s'époussetant. Velvet se pavanait d'un air satisfait comme si tout acte héroïque lui était dû. Ce fléreur me fait peur parfois.
D'un petit geste de ma baguette je fis disparaître le morceau de liane qui avait été sectionné par le sortilège de Miss Branwen avant de lui lancer sur un ton entendu « Nous sommes d'accord sur le fait que Mr Mortimez à certainement rêvé, cette... chose n'avait déjà plus tentacule à cet endroit. »
Quelques pas plus tard, nous étions toutes pénétrées dans la petite pièce obscure qui faisait office de bureau. Chacune avec une petite lueur brillante au bout de notre baguette, nous fîmes le tour de la pièce en suivant les murs.
- Ola, chers amis. Avancez vous dans la lumière que James O'Hara puisse vous voir; si vous êtes venus voler, déguerpissez avant que je ne m'énerve. Si non, veuillez m'annoncer le but de votre visite.
La voix de stentor s'était élevée d'un cadre ouvragé disposé sur le mur de droite, entre les étagères recouvertes de bocaux. Me dirigeant vers lui en levant ma baguette au-dessus de ma tête pour mieux l'apercevoir, je pris la responsabilité de nous présenter à l'homme que nous cherchions.
« Bonjour Sir O'Hara. Je suis Mavis Pye et voici Miss Branwen. Nous nous permettons de troubler le calme de votre matinée pour vous entretenir d'une situation assez grave... »
J'ignorais quelle était la façon appropriée de m'adresser à lui. La plupart des tableaux s'exprimaient dans le langage soutenu de leur époque et je craignais toujours de paraître irrespectueuse ou ignorante. Mais l'heure n'était pas aux soucis protocolaires et au respect des coutumes.
« Le fait est que les elfes de maison sont introuvables depuis ce matin, il semblerait qu'ils aient disparus. Pourriez-vous nous renseigner sur la question ? Avez-vous vu quelque chose d'inhabituel durant la nuit ? Votre témoignage nous serait d'un très grand secours. »