1. Le départ

J'avais quelques mois, je crois. Cela faisait longtemps que ma mère ne parlait plus à ses parents. Faut dire qu'elle a des excuses, ils sont vraiment très cons. Très très riches, aussi, et tous sorciers. Alors j'vous raconte pas leur tête quand elle a ramené un vous-savez-quoi, et qu'elle a en plus prétendu vouloir l'épouser. Ils ont vraiment des idées pas terribles, pour le coup, je ne regrette pas vraiment ne pas les avoir connu. Ma mère a emménagé avec mon père mais dans un premier temps ils sont restés en France, parce qu'ils pensaient que la naissance des enfants changerait tout... Ce ne fut pas le cas. Mes grands-parents refusèrent catégoriquement de nous voir, ni la naissance de Louise ni la mienne ne changèrent quoi que ce soit... Alors ma mère préféra quitter la France, et s'installer en Grande-Bretagne, là où ses filles auraient des grands-parents dignes de ce nom. Mes grands-parents paternels... Ce sont des moldus, mais avec eux on rigole bien. Bon, c'est vrai que ça n'a pas été facile pour eux, quand Louise et moi on venait à la maison. Faut dire que deux enfants, c'est déjà pas facile à gérer, mais alors avec des pouvoirs magiques... Je leur écris souvent, bien moins depuis la mort de mon père. Leur fils est décédé, y'a pas de mot pour qualifier une telle perte, comment pourrais-je moi trouver les bons ? Ma mère, en revanche, est restée très proche d'eux, je crois que leur présence l'aide à surmonter la mort de son mari et l'absence de ses deux filles...

2. La révélation

Contrairement à Louise, ma soeur, dont les pouvoirs se sont développés très tôt, les miens ont pris leur temps. Il n'était pas impossible que j'en sois dépourvue, personne, sauf lui, dans la famille de mon père, n'a de pouvoirs magiques. Mes parents avaient d'ailleurs fait une croix dessus, je me souviens les avoir entendu discuter de l'école très ordinaire où j'allais effectuer ma scolarité si rien ne changeait. Un soir, alors que j'étais âgée de 10 ans, je me disputais avec ma soeur concernant le choix du livre que notre père allait nous lire avant d'aller au lit. Ce fut comme d'habitude Louise qui l'emporta, et je me préparais à subir une fois de plus les aventures de Princesse Tania, qui cette fois-ci se mariait avec un prince débile venu d'une contrée lointaine. Je me souviens avoir ressenti quelque chose d'étrange, comme si ma colère était devenue concrète et traversait littéralement mon corps. Et puis, d'un coup, sans raison apparente, le livre prit feu, sans que l'eau que mon père faisait couler de sa baguette ne parvienne à l'éteindre. Une fois le chef d'oeuvre totalement réduit en cendres, le feu s’éteignit, et je m'attendais à me faire sacrément engueuler. A ma grande surprise, mon père se mit à hurler de joie et appela ma mère.

- Zélie ! Céleste est une sorcière ! Elle a brûlé le livre de sa soeur !

Ma mère accourut, pleurant et me félicitant, sous le regard médusé de ma soeur qui trouvait qu'un crime tel que le mien méritait d'être sévèrement puni. Après tout, on ne badine pas avec Princesse Tania. Quelques jours plus tard, je reçus ma lettre d'admission pour Poudlard et j'y fis mon entrée à presque 11 ans, disposition habituelle prise afin que les enfants nés fin janvier ne prennent pas trop de retard dans leur scolarité. Sur le quai de la voie 9 3/4, mon père me donna une petite lionne de bois qu'il avait lui-même sculptée, censée me donner du courage les jours où mes parents et ma soeur, partie à Beauxbâtons, me manqueraient trop. C'est aujourd'hui ce que je possède de plus précieux. Avec ma baguette, bien sûr. J'ai mis un sacré bazar quand je suis allée la chercher, c'était l'une des dernières vendues par Ollivander avant son enlèvement. Du sycomore, il paraît que c'est un bois auquel le train-train quotidien ne sied guère, et que de telles baguettes peuvent rapidement s'ennuyer. Et une plume de phoenix à l'intérieur. Et elle est vraiment très souple, Ollivander a dit que c'était une bonne chose, je n'ai pas bien compris pourquoi. Peut-être que ma baguette est moins têtue que moi.  Il a eu l'air content de nous voir quitter le magasin, en tout cas.

3. Sous les décombres

- Non ! Papa, papa, papa ! Non ! Papa, papa, papa !
Je ne me souviens plus très bien de cette journée, comme si toute la douleur qu'elle a occasionné en a amoindri le souvenir. Je me rappelle avoir hurlé jusqu'à ce que le mot "papa" perde tout son sens. Et du chagrin bien au-delà des larmes de ma mère et de ma soeur. Etait ensuite venu le déni. Je formulais mille et une hypothèses, toutes bien incapables d'expliquer pourquoi mon père n'était jamais revenu. Ce n'est que lorsque je vis son nom sur la liste que la réalité me rattrapa. "Décédés durant leur incarcération". Son nom figurait là, en quatrième position, entre 2 inconnus dont le décès avait anéanti d'autres vies, et dont je me fichais. Nous n'avons pas pu récupérer son corps, il a été enterré, comme tant d'autres, à Azkaban, sans hommage ni pierre tombale. Je me demande si son âme erre encore, attendant que le son d'un luth ou d'un violon, ou des voix de celles qui l'ont aimé le guide de l'autre côté. Il n'avait rien fait de mal, pourtant. Ombrage. Tout cela est de sa faute. Lorsque Voldemort accéda une nouvelle fois au pouvoir et que la commission d'enregistrement des nés-moldus fut mise sur pied, mon père quitta la maison, pour nous protéger.  Je lui avais reproché de manquer d'idéaux et de courage, je lui en voulais de ne pas prêter main forte à l'Ordre de Phoenix. Je sais aujourd'hui qu'il avait peur pour nous. Seul son patronus, un hippocampe, nous donnait des nouvelles de temps en temps. Le son de sa voix ne suffisait bien sûr pas, mais nous le savions en vie. Puis, un jour, plus rien. Nous avons su par la suite qu'un groupe de rafleurs lui était tombé dessus, et l'avait traîné devant un tribunal. Il a été condamné pour avoir soi-disant volé les pouvoirs magiques d'un sorcier de sang pur, et envoyé à Azkaban, où il est mort rapidement. Mon père n'était pas un guerrier, c'était un sage, qui aspirait à une vie tranquille, avec sa femme et ses filles. Je ne m'en suis jamais vraiment remise. Pas plus que de la mort de Dumbledore, d'ailleurs. J'aurais tellement voulu rester à la bataille de Poudlard, j'ai bien essayé de me faufiler mais McGonagall m'en a empêchée, j'étais soi-disant trop jeune. J'ai du rejoindre la Tête de Sanglier avec les autres élèves mineurs, où ma mère avait transplané pour venir m'y récupérer. Poudlard a changé. Ou peut-être est-ce moi qui ne voit plus l'école d'un même oeil. Je me souviens de la joie ressentie voie 9 3/4, de mes yeux émerveillés qui pour la première fois se posaient sur le château. De l'angoisse de la cérémonie de la répartition. De l'excitation durant les matchs de Quidditch. Aujourd'hui je pense à la tombe de Dumbledore. A ceux tombés trop jeunes pour que le bien triomphe. A ceux tombés trop peu pour que le mal l'emporte. Le combat reprendra, un jour. Et cette fois-ci, je serai prête.