"... j'arrive pas à croire que cette fille-là est une Oak."

"... Oak? Les Oak d'Oxford? Qui donc?"

"... tu sais bien, la blonde de 6ème année, celle avec les yeux bizarres."

"Ah... Amaranthe."

Bien qu'elle était à environ trois mètres de la Gryffondor et de la Poufsouffle, Amaranthe avait très bien entendu les quelques mots échangés dans le tournant d'un couloir. Certes, il était assez juste de dire qu'elle ne cadrait pas vraiment avec l'image qu'on se faisait de cette famille de sorciers très ancienne et respectée.

On raconte que la branche magique de cette famille aurait pris forme il y a des centaines d'années, au moment de la fondation de Poudlard. Les plus fiers des sorciers Oak iront jusqu'à clamer que certains de leurs ancêtres auraient même connus les fondateurs de la prestigieuse école de magie, même s'il n'existe aucun document pouvant prouver ces allégations. Toutefois, si certaines déclarations au sujet de cette famille semblaient plus farfelues, d'autres faisaient partie intégrante du folklore magique au Royaume-Uni. On ne remettait plus en questions l'influence d'Audric Oak pendant le vote du Code international du secret magique de 1692... Pas plus que l'on s'interrogeait sur l'existence de la vieille Lucida Oak, première et seule sorcière de la famille à posséder le don de voyance à ce jour.

À la pensée de sa vieille tante décédée depuis quelques siècles, la jeune fille laissa échapper un long soupir entre ses lèvres entrouvertes. Comme à chaque fois, elle sentit une drôle de sensation au creux de son ventre, une sorte de mépris mélangé à de la colère, pour cette sorcière décédée avant même qu'elle-même ne naisse. Elle lui en voulait profondément, car elle avait l'intime conviction que c'était sa faute si elle avait ce don qui rendait trop souvent sa vie impossible.

Son étreinte se resserra un peu plus sur les livres qu'elle tenait fermement contre sa poitrine, alors qu'elle passait devant les deux filles qui parlaient d'elle quelques minutes plus tôt. Amaranthe ressentit aussitôt du mépris à son égard, de l'arrogance et une pointe d'envie. Sans un regard derrière elle, la sorcière traversa un dernier corridor avant de s'engouffrer dans la classe d'Histoire de la Magie... enfin un endroit où elle allait avoir l'esprit un peu tranquille.

Comme elle s'y attendait, la salle de classe était vide, même que le léger écho de la porte qui se referme sur ses gonds la fit sursauter. C'était vraiment son endroit de prédilection pour étudier et faire ses travaux, la Salle Commune et la bibliothèque étaient toutes deux beaucoup trop peuplées pour qu'elle puisse se concentrer convenablement. En effet, il ne fallait pas se leurrer... ce cours n'était pas des plus populaires auprès des élèves, les retrouver à traîner dans cette classe hors de cours avait donc quelque chose de très étonnant!

Tout en faisant bien attention de ne pas faire claquer ses talons sur le marbre (la porte du bureau du Professeur est tout de même au fond de la classe!), elle choisit la place la plus reculée, près d'une fenêtre. Ainsi assise sur l'estrade la plus haute, elle pouvait détailler à loisir la salle de classe qu'elle surplombait, mais pouvait aussi laisser vagabonder son regard dans le Parc. Alors qu'elle ouvrait ses livres, puis encrait sa plume dans l'intention de débuter le parchemin que leur demandait le professeur de potions, ses pensées se dirigèrent vers les deux élèves qu'Amaranthe avait croisé dans le corridor quelques minutes plus tôt.

Elle s'habituait de plus en plus à ce genre de commentaires, il était tout à fait légitime de remettre en question son appartenance à cette famille qui avait été très reconnue à une époque. Maintenant, bien qu'un de ses oncles travaillait à Gringotts et son père était impliqué dans différents dossiers au Département de la justice magique du Ministère, plus personne n'avait fait d'acte honorable qui justifiait de perpétuer la réputation des Oak.

Amaranthe ne cadrait pas du tout avec l'image que l'on se faisait de sa famille. Les Oak étaient des sorciers fiers et orgueilleux, presque arrogants, qui ne manquaient pas de faire reconnaître leur supériorité partout où ils allaient. Les exploits des ancêtres avaient été maintes et maintes fois racontés, souvent enjolivés et toujours exagérés. À son avis, on surestimait grandement l'influence des Oak, aussi avait-elle décidé depuis longtemps qu'elle ne participerait pas à cette espèce de propagande.

Ceci lui avait d'ailleurs valu plusieurs réprimandes de sa mère, particulièrement pendant l'Après Guerre. Sa mère aurait tant voulu qu'elle s'implique activement au nom des Oak, l'adolescente aurait ainsi redoré le blason de la famille et aurait fourni une histoire de plus à vanter. Meredith l'avait confrontée maintes et maintes à ce sujet... Avait-elle fait tout ce qu'elle avait en son pouvoir pour protéger ses amis? Pourquoi avait-elle agi aussi égoïstement en se retirant du champ de bataille, plutôt que de combattre auprès des élèves de sa maison?

Pendant la bataille, Amaranthe était en troisième année... Qu'est-ce qu'elle aurait bien pu faire de plus, à un si jeune age? Elle était terrorisée par le son des explosions, effrayées par les éclairs créées par les sorts et impuissante face aux pleurs des élèves plus jeunes qu'elle. Elle était trop inquiète pour ses amis pour lancer le moindre sort, mais savait qu'elle nuirait à tout le monde à rester impuissante. Tentant de bloquer les sentiments de peur, de colère et de tristesse des autres élèves - et même les siens! -, elle avait rassemblé le peu de courage qu'il lui restait pour mettre les plus jeunes en lieu sûr et aider les blessés à regagné le château pour être soignés.

Au fur et à mesure que la bataille faisait rage, les personnes auxquelles la jeune fille portait assistance ramenaient des nouvelles du front. Le courageux Harry Potter et plusieurs de ses amis de Gryffondor se battaient avec acharnement, représentant avec honneur la glorieuse maison des Lions. Même si elle ne les connaissait pas personnellement, Amaranthe espérait secrètement que chacun d'eux soit indemne. Son moral était plutôt bon, elle ne reconnaissait pas les blessés qu'elle tentait d'aider. De plus, elle était de plus en plus rassurée, car peu de ses amis semblaient avoir pris part à la guerre, elle en avait croisé quelques uns dans les corridors.

Complètement perdue dans ses pensées, son parchemin était à présent seulement moitié terminé et comme l'inspiration n'étant pas au rendez-vous, elle remballa tout son matériel, non sans ressentir une certaine inquiétude. Bien sûr, comme à chaque fois qu'elle repensait à la guerre, la jeune fille sentait quelque chose de pesant se former au creux de sa poitrine. Les récents évènements qui s'étaient produits dans sa belle école n'avaient fait qu'alimenter la crainte tapie au fond de son cœur qui attendait sournoisement le bon moment pour jaillir.

En se levant, Amaranthe voulu se ressaisir et chasser son anxiété en secouant légèrement la tête. Tout semblait être revenu plus ou moins à la normale à Poudlard, non? C'était plutôt encourageant ça! D'autant plus que le Seigneur des Ténèbres avait été terrassé... Elle eu alors une pensée pour le regretté Harry Potter, elle avait tant souhaité que les bruits de couloirs annonçant sa mort à la fin de la guerre soient sans fondement! Elle éprouva un certaine tristesse à la pensée de ce héro qui s'était porté à la défense de tous. Et maintenant, avec McGonagall à la tête de la direction de l'école, la sixième année avait l'intime conviction que les dangers étaient derrière eux.

C'est avec cette pensée réconfortante qu'elle franchit la porte de la classe et se faufila parmi les élèves dans les différents corridors en direction de son Dortoir. Il lui fallait se hâter pour prendre ses livres pour le prochain cours.