1983

Lilou mit un nez dehors, sur le toit précisément. Il était tôt et le ciel était gris. Le gel s'était installé un peu partout, unifiant le paysage sur des tons blancs et grisonnants de l'hiver. Le vent se glissa immédiatement dans sa longue chevelure tandis qu'elle s'approchait du bord. Comme à son habitude, elle ne portait quasiment rien sur le dos. Une simple robe de chambre blanche. Elle se leva de toute sa hauteur de jeune fille de 10 ans et contempla ce qui l'entourait, l'air rêveur. Elle resta ainsi plus d'une heure à profiter du silence et de la fraîcheur qui annonçait un hiver rude. Une bonne nouvelle en perspective pour la jeune femme, elle qui aimait tant la neige. Elle y serait bien restée encore un moment, si les rayons du soleil n'avaient pas subitement transpercé les nuages qui fuyaient, balayé par un vent qui se réchauffait au fur et à mesure que les minutes s'écoulaient. Le spectacle du givre et de la rosée scintillante, ne suffirent pas à la retenir. Lilou se glissa de nouveau dans l'entre sombre du grenier et même si elle aurait dû se changer, elle n'en fit rien et quitta la pièce. Pieds nus, elle était parfaitement silencieuse en traversant les couloirs déserts. Elle se sentait légère et si elle avait pu chanter ou danser, elle l'aurait peut-être fait. Mais elle ne voulait en aucun cas réveiller ses parents qui ne manqueraient pas de la houspiller s’ils la surprenaient, une fois de plus, sur le toit à cette heure si tardive. Ses petits pas feutrés trottinèrent jusqu'en cuisine ou la vieille nourrice, complice, lui offrit une tranche de brioche qu'elle dégusta près de la cheminée, observant comme envoûtée les longues flammes danser et lécher le bois qu'elle entendait craquer de plaisir. Dans peu de temps, ses douces rêveries cesseraient et sa mère viendrait la chercher pour lui enseigner tout ce qu'elle savait. Elle deviendrait alors un jour une jeune et belle femme parfaitement éduquée et devenir peut-être un jour, comme elle, une femme importante.

* * *

1984

Une lettre. En voilà une surprise… rien que pour elle ? Même ses parents semblaient étonnés. Son père la tournait et la retourner dans tous les sens. Lilou s’impatientait. Ce n’était qu’une lettre après tout, ça ne pouvait pas être dangereux. Elle bondit de sa chaise et alla tirer le tissu du costume de son père qui s’apprêtait à partir au travail. Enfin quoi ? Qu’est-ce qu’elle avait de si étrange cette lettre, hein ? Son père lui jeta un œil étrange, puis se tourna vers sa femme.

" Tu sais ce que c’est, toi, l’école de Beauxbâtons ? "
" Non, je n’en ai jamais entendu parler, Jonathan. Peut-être une école prestigieuse ? "
" Il y a écrit : « Ecole de sorcellerie de Beauxbâtons ». Ce doit être une plaisanterie. "

Sorcellerie ? Hein ? Lilou fit une petite moue perplexe et se hissa sur la pointe de ses pieds pour tenter d’apercevoir quelque chose. En fait, elle tentait carrément d’escalader son père qui finit par soupirer et attraper sa fille pour le remettre sur sa chaise et prendre un couteau pour ouvrir l’enveloppe.

"Jonathan… laisse-la l’ouvrir. C’est à elle qu’elle s’adresse cette lettre après tout", intervint la voix douce de sa mère.

Lilou trépignait et tendit les mains. Son père se permis tout de même de découper l’enveloppe avant de la tendre à sa fille avec un sourire. L'enveloppe, lourde et épaisse, était faite d'un parchemin jauni portant un sceau de cire frappé de l'écusson de Poudlard au dos et l'adresse était écrite à l'encre vert émeraude. La lettre, quant à elle, était écrite sur un parchemin semblable. Les yeux ronds de stupéfaction, elle commença à lire tout haut :

"- COLLÈGE DE Beauxbâtons, ÉCOLE DE SORCELLERIE -
Directrice : Madame Olympe Maxime
Chère Mlle Deforges,
Nous avons le plaisir de vous informer que vous bénéficiez d'ores et déjà d'une inscription au collège de Beauxbâtons. Vous trouverez ci-joint la liste des ouvrages et équipements nécessaires au bon déroulement de votre scolarité.
La rentrée étant fixée au 1er septembre, nous attendrons votre réponse le 31 juillet au plus tard.
Veuillez croire, cher Mlle Deforges, en l'expression de nos sentiments distingués.
Olympe Maxime.

Ses parents froncèrent les sourcils et Jonathan Deforges alla même se gratter la nuque, ce qu’il faisait toujours lorsqu’il réfléchissait à quelque chose de particulièrement complexe.
Un autre parchemin suivant le premier était en effet une liste de fournitures abracadabrantes comme un chaudron, une baguette magique ou encore des animaux de compagnie comme un hibou, un chat ou… un crapaud ?

" Hum… voilà peut-être ce qui explique toutes ces choses bizarres que Lilou déclenche depuis quelques années. Et qui explique également pourquoi aucun psychologue ni médecin n’a pu nous donner d’explication."
" John… tu crois vraiment que cette lettre est sérieuse ? Notre fille serait… une sorcière et il existerait une école pour ça ? "
" As-tu une autre manière d’expliquer que tes vases explosent quand elle est en colère ou que certains objets lévitent autour d’elle ? Ou encore qu’il lui pousse des oreilles de chat ? "

Madame Delorges resta muette et observa longuement sa fille qui souriait aux anges. Elle qui était persuadée d’être quelqu’un de spéciale et même peut-être une super héroïne… voilà qu’elle allait partir pour une école de sorcellerie ! Le pied !

* * *

1988

Lilou avait grimpé les marches quatre à quatre, une main sur la rambarde de l'escalier, frôlant à peine le bois en vérité, essoufflée et rieuse, avant de se remettre à marcher doucement. Concentrée, les yeux rivés droit devant elle, elle semblait vouloir s'imprégner de tout ce qui l'entourait. De tous les bruits infimes jusqu'à la température, les couleurs, les formes de toutes choses, laissant derrière elle comme oublié cet individu venu l’asticoter. Déjà il semblait loin dans son esprit, celui-ci rivé sur autre chose désormais. Parvenue en haut de l'escalier, elle tourna immédiatement à droite, comme si le choix était déjà fait, comme si elle connaissait déjà l'endroit par cœur. L'endroit supposé calme ruisselait de sons méconnus, inexplorés, mystérieux. Une porte qui grince, un ronflement, un rire, un hurlement de joie, un objet qui tombe, des bruits de pas... et pourtant tout était vide, tout semblait mort, comme s'ils se cachaient tous, comme si ce n'étaient que des esprits perturbés qu'elle entendait, des fantômes. Elle tendit machinalement son bras libre pour frôler les murs râpeux de ses doigts fins, tout le long du couloir, puis le laissa retomber le long de son corps. Des sons, des ombres, des couleurs différentes... elle analysait et enregistrait tout cela avec une soif intarissable. Le peu de portes qu'elle dépassa, elle les ignora superbement, une nouvelle fois comme si elle savait ce qu'il y avait derrière ou comme si elle savait où aller. Ce qui n'était pourtant pas le cas, se laissant tout bonnement conduire par son instinct.

Elle sentie une présence derrière elle, des bruits de pas plus rythmés se mêlant aux siens. On venait vers elle, on la suivait, on tentait de l'atteindre petit à petit. Comme d'autres idiotes avant elle, elle aurait pu se mettre à courir ou se retourner, mais elle n'en fit rien. Elle éclata de rire subitement quand on l'agrippa sans prévenir à la taille. "L'agresseur" la retint contre lui, plaqué contre le mur. Lilou ne fit rien du tout pour se libérer, l'adrénaline l'enveloppa tout à coup, naturellement, son rythme cardiaque s'accéléra un peu. Face à elle, Gregory Salvade, un jeune et beau garçon, très bon ami depuis son entrée à l’école qui n’avait d’yeux que pour elle.

" Où cours-tu ainsi ? Je commençais seulement à te séduire ! "

Il couvrit son cou et sa gorge de baisers ardents, refermant des mains avides sur ses hanches. Elle rit encore.

" Arrête Gregory ! Ce que tu fais est inconvenant et tu sais bien que je ne veux que ton amitié ! "

" C’est injuste ! S’il te plaît, Lilou, sors avec moi ! "

" Non ! "

Elle le repoussa doucement, riant aux éclats et garda sa main dans la sienne jusque devant la porte de leur salle commune. Ils avaient du travail à faire, et la jeune femme était toujours très sérieuse dans ses études. Elle aimait ce monde remplit de magie et d’aventure, tout la passionnait ! Et cela lui valait une excellente réputation auprès des professeurs et des autres élèves avec qui elle n’avait jamais réellement de problème. Plus tard, elle aussi voulait enseigner. A moins qu’elle ne s’occupe de créatures magiques… elle hésitait encore.

* * *

1991
Dans un hurlement de joie, Lilou sauta dans les bras de Grégory et l’embrassa passionnément. Elle avait son diplôme !! Et oui le jeune homme avait fini par faire céder la belle et capricieuse Lilou un an plus tôt et depuis, ils étaient inséparables. Lui aussi avait réussi et tous d’eux n’espéraient plus qu’à vivre ensemble et réaliser leur rêve. Lilou avait décidé de rester enseigner à Beauxbâtons, et Grégory de devenir Auror. Il en avait de loin les capacités.
Seulement voilà, la guerre finit par arriver 7 ans plus tard alors qu’elle avait fêté son 25ème anniversaire. La guerre entre Voldemort et Harry Potter était belle et bien là et nul ne savait qu’elle en serait la chute. Durant tout ce temps, la jeune femme resta pour protéger l’école et ses élèves bien que Beauxbâtons ne soit pas une cible prioritaire pour le seigneur des ténèbres. Quant à Grégory… il avait été envoyé directement dans la bataille.

A la fin de la guerre, lorsque tout fut terminé et que Voldemort disparut pour de bon, emportant avec lui le courageux et jeune Harry Potter, Lilou fut bouleversée. Mais ce ne fut rien comparé au chagrin qui l’emporta lorsqu’un sorcier vint lui annoncer la mort de Grégory. Les Mangemorts avaient été trop nombreux. Les joues baignées de larmes, elle relut plusieurs fois les lettres que son cher et tendre lui avait envoyé ces derniers temps. La dernière parlait même de fiançailles… quel gâchis !
Finalement, après quelques mois de deuil, elle rangea tous ses souvenirs au fond d’une boite, et donna sa démission auprès de l’école de Beauxbâtons. Elle quitta, tout de même à regret, cet endroit où elle avait grandi et passé les années les plus fabuleuses de sa vie, pour repartir de zéro. Elle s’installa à Londres et trouva un poste comme Gardienne de Dragon. Cela consistait non seulement à nourrir les rares spécimens en captivité, mais aussi de recueillir les orphelins ou de capturer les adultes trop dangereux. Un travail qu’elle aimait par-dessus tout, elle qui s’était toujours passionnée pour les dragons et autres créatures magiques.
Désormais, à 26 ans, elle était prête à recommencer une nouvelle vie !